Site icon Afrique du Nord News

L’humiliation : dernier vestige de la Françalgérie ?

Françafrique

Il fut un temps où la France menait la guerre en Algérie avec des balles, des bombes et des camps de torture. Aujourd’hui, elle la mène avec des visas refusés, des déclarations condescendantes et des provocations bien pesées. Les méthodes ont changé, mais l’objectif semble toujours le même : rappeler, subtilement ou brutalement, qui a dominé qui.

L’humiliation, cet art délicat que la diplomatie française semble maîtriser à la perfection, est sans doute le dernier vestige tangible de la Françalgérie. Débarrassée de ses casernes coloniales mais pas de ses réflexes impériaux, la République se plaît à rappeler à son ancienne colonie que l’indépendance est un concept… à géométrie variable. On ne tire plus sur le FLN, mais on réduit les visas des étudiants algériens. On ne capture plus les maquisards, mais on instrumentalise la mémoire coloniale au gré des intérêts électoraux. On ne pille plus les ressources, mais on snobe les demandes d’excuses officielles comme on refuse l’entrée à des ministres algériens.

Cette logique s’inscrit dans une longue tradition de tensions entre les deux pays, où chaque avancée est suivie d’un recul. En 2017, Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », suscitant l’espoir d’une reconnaissance plus franche.

Mais les années suivantes ont montré les limites de cette démarche, avec des excuses partielles et des silences calculés sur certaines exactions françaises. En 2021, la commission Stora recommandait des gestes de réconciliation, mais les excuses officielles restaient un tabou. En 2025, la situation reste identique : des mots, des promesses, mais jamais l’acte qui scellerait une véritable reconnaissance.

De son côté, Alger ne se laisse pas faire. L’Algérie d’aujourd’hui a les moyens de répondre coup pour coup, et elle le fait avec un art tout aussi consommé du bras de fer symbolique. Expulsions en représailles, blocages diplomatiques, alliances stratégiques avec des puissances concurrentes de la France…

C’est un duel où chaque partie s’accroche à sa fierté blessée. La Françalgérie est officiellement morte, mais son fantôme continue d’errer, alimenté par un mélange de rancune historique et de mépris réciproque.

Le dernier épisode en date ? La reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, un coup de poignard diplomatique pour Alger. Un geste qui montre que Paris, loin de jouer l’apaisement, sait encore raviver les plaies quand cela l’arrange. Et que dire du tollé provoqué par la récente réduction drastique des visas accordés aux Algériens ? Un simple levier diplomatique, nous dit-on à Paris.

Une humiliation de plus, répond-on à Alger. L’expulsion en janvier 2025 de plusieurs journalistes français sous prétexte d’ »ingérence » dans les affaires internes algériennes est venue en écho à cette guerre froide diplomatique.

Les tensions ne s’arrêtent pas là. En février 2025, des déclarations du ministre français de l’Intérieur sur la nécessité de « réviser » les accords d’immigration avec l’Algérie ont ravivé le sentiment d’humiliation nationale. En parallèle, Alger intensifie sa coopération avec Moscou et Pékin, affichant une volonté claire de s’éloigner de l’influence française. Les investissements chinois dans les infrastructures algériennes et les ventes d’armes russes ont donné des sueurs froides à l’Élysée, qui voit son influence s’éroder progressivement.

L’humiliation est-elle alors la seule chose qui reste à la France pour asseoir son influence en Algérie ? À force d’alterner entre gestes d’apaisement et coups de boutoirs, Paris semble coincé dans un entre-deux : trop nostalgique pour traiter Alger d’égal à égal, mais trop affaibli pour imposer son diktat comme au bon vieux temps. Pendant ce temps, l’Algérie, consciente de son poids géopolitique grandissant, joue la carte de l’affrontement symbolique, s’érigeant en rempart contre une arrogance française jugée insupportable.

Jusqu’à quand ce jeu d’humiliations mutuelles ? Peut-être jusqu’à ce qu’une des deux parties, lassée du théâtre, décide enfin d’écrire un nouveau chapitre. Ou peut-être pas. Après tout, la Françalgérie est peut-être finie, mais l’humiliation, elle, semble éternelle. Comme le disait Paul Valéry : « La guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. » Sauf qu’ici, ce n’est plus une guerre, juste une habitude bien ancrée.

 Dr A. Boumezrag

Quitter la version mobile