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Le « New York Times » publie des photos d’enfants mourant de faim au Yémen

Pendant plusieurs heures, des dizaines d’internautes ont été empêchés par Facebook de partager l’article du quotidien américain.

La photo s’affiche en « une » du New York Times du samedi 27 octobre. Le regard absent, presque résigné, une fillette squelettique est allongée sur un lit d’hôpital. Sa tête semble démesurée, comparée à son torse rachitique traversé par des côtes saillantes. Amal Hussain, 7 ans, est, selon l’ONG britannique Save the Children, l’un des cinq millions d’enfants yéménites victimes de la famine provoquée par la guerre qui, depuis 2015, oppose les rebelles houthistes soutenus par l’Iran, à la coalition menée par l’Arabie saoudite.

Difficilement supportable, ce cliché est à l’image de la situation décrite par le reportage qu’il accompagne. Evoluant avec le journaliste dans les cliniques du nord du Yémen, le lecteur y découvre les conséquences douloureuses de la crise humanitaire qui frappe le pays.

Sur le site du New York Times, l’article est entrecoupé de photographies aussi glaçantes que celle d’Amal Hussain. On y voit des enfants émaciés, sur une table médicale ou dans les bras d’une mère au visage creusé. Parmi eux, Wadah Askri Mesheel, un petit garçon de 11 mois, mort huit heures après avoir été photographié par Tyler Hicks.

En publiant ces images pénibles, le New York Times rompt avec une retenue souvent de mise à ce sujet dans de nombreux médias. Mais le quotidien veut susciter une prise de conscience, et profiter de l’écho donné aux bombardements saoudiens au Yémen par le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, le 2 octobre, au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul (Turquie).

Excès de la politique de « modération » de Facebook

Dans une tribune jointe à l’article, le journal a justifié sa démarche. « L’assassinat d’un seul homme a davantage attiré l’attention de la planète que la catastrophe en cours au Yémen », ont déploré le journaliste Eric Nagourney et le rédacteur en chef des pages internationales du New York Times, Michael Slackman, avant d’asséner : « Ces images révèlent l’horreur qu’est le Yémen aujourd’hui. Vous pouvez choisir de détourner le regard. Mais nous avons estimé que cette décision vous appartenait. »

 

Dans les heures qui ont suivi la mise en ligne de l’article, le 27 octobre, des dizaines d’internautes se sont plaints sur les réseaux sociaux de n’avoir pu le partager sur Facebook, la plate-forme supprimant leur message peu de temps après leur publication.

En cause, la photo illustrant le lien vers le reportage – la fillette en « une » du New York Times – qui enfreindrait les règles du réseau social et ce, non pas à cause de la violence du cliché, mais parce qu’il montre une mineure dénudée. Interpellé, Facebook a restauré les messages concernés, sans préciser le nombre d’utilisateurs ayant été touchés.

Ce n’est pas la première fois que l’entreprise est montrée du doigt pour les excès de sa politique de modération, fondée sur des algorithmes et le travail d’employés. Le 27 août, une association à la mémoire d’Anne Frank avait été empêchée de partager sur sa page Facebook une étude soulignant le défaut d’enseignement de la Shoah aux Etats-Unis, ce rapport étant illustré par une photo d’enfants nus dans des camps de concentration.

Deux ans plus tôt, en septembre 2016, le célèbre cliché d’une fillette nue fuyant un bombardement au napalm lors de la guerre du Vietnam, photographiée par l’Américain Nick Ut en 1972, avait été retiré du réseau social après avoir été publié par le plus grand quotidien de Norvège. A chaque fois, la firme de Menlo Park (Californie) avait présenté ses excuses et fait machine arrière.

Par Alexandre Berteau

Journal Le Monde

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