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La dégradation de l’enseignement en Algérie

Feu Boudiaf à la tête de l’État a qualifié avec lucidité et courage l’école algérienne « d’école sinistrée ». Cet amer constat est partagé par tous les Algériens conscients et soucieux de l’avenir de leurs enfants et de celui de la patrie. La dégradation de notre système éducatif est devenue un sujet quotidien qu’on entend dans la rue, au marché, au hammam au sein des établissements scolaires… Il n’y a que les décideurs qui ne partagent pas ce désastreux bilan.

Les parents et les enseignants qui sont les premiers concernés par ce secteur malade vivent en permanence la boule au ventre. Les premiers soucieux de l’avenir de leurs enfants exclus prématurément de l’école. Les seconds dont le métier était jadis noble vivent le calvaire d’une profession devenue un combat quotidien soutenu dans la perspective d’une retraite qu’ils espèrent toujours anticipée pour mettre fin à cette existence cauchemardesque pour qu’ils puissent goûter à ce repos tant attendu et tant espéré.

La question qui s’impose d’elle-même est la suivante : Que recouvre le constat d’une réalité ainsi dénoncée de manière quasi unanime ?

C’est ce que nous allons essayer de décrypter en examinant un certain nombre d’aspects attachés à notre système éducatif en nous limitant au deuxième cycle qui est l’enseignement moyen.

Ce dernier reçoit en sa première année les élèves issus de l’école primaire, admis majoritairement à un examen d’entrée en sixième devenu presque une simple formalité (démocratisation de l’enseignement oblige). De ce fait, les classes de ce cycle demeurent encore surchargées malgré une démographie en légère baisse. Ainsi, la moyenne de l’effectif d’une classe dépasse souvent la trentaine, facteur constituant déjà un obstacle pour une prise en charge pédagogique digne de ce nom. Bien entendu, la crise économique de 1986 a déjà mis en place la politique d’austérité, selon les recommandations du FMI (Fonds Monétaire International) et de la BM (Banque Mondiale) qui ont limité les budgets alloués aux différents ministères et particulièrement à celui de l’Éducation nationale. Aussi la distorsion, c’est-à-dire la différence entre la population scolaire et les moyens humains mis au service de cette population, ira en grandissant : moins d’enseignants, moins d’infrastructures pour un effectif toujours aussi élevé que celui du boom démographique des années 70 et 80. Il est clair que les conditions pédagogiques ne sont pas réunies pour une prise en charge effective de l’élève et que la tâche de l’enseignant s’en trouve d’autant plus compliquée que le suivi de l’élève s’en trouve amoindri. D’autant plus que la méthode actuelle d’enseignement, « l’approche par compétence » imposée par l’ouverture à l’économie de marché, requiert un effectif adéquat par classe comme dans les pays développés à l’instar du Canada, qui avoisine la dizaine au plus. Nos écoles pour des considérations sociales liées au terrorisme et maintenant au banditisme se transforment progressivement en garderies, subordonnant leurs missions premières qui sont l’éducation et la transmission du savoir à celle de gardienne de la paix sociale habituellement dévolue aux autorités compétentes.

La première conséquence d’une telle situation est bien entendu l’indiscipline qui caractérise désormais les établissements scolaires qui absorbent les efforts de l’enseignant, car la maîtrise de ces effectifs pléthoriques requiert vigilance et force de caractère d’autant plus grande que l’élève jouit d’une impunité totale. Ainsi, la pire sanction encourue par ce dernier est son transfert vers un autre établissement, car l’exclusion est un ultime recours que la direction de l’éducation réprouve toujours d’autant plus qu’au niveau de l’enseignement moyen, seule la rue est en mesure d’accueillir un enfant éventuellement déchu.

Un facteur nouveau dans la dégradation de l’enseignement et du comportement sociétal est l’Internet. Cet instrument du savoir qui, utilisé de manière judicieuse, peut offrir toutes les connaissances possibles et imaginables, devient par excellence le moyen de déperdition de la jeunesse désormais branchée constamment sur les réseaux sociaux, tchatchant et papotant sur Facebook, délaissant le travail nécessaire à l’acquisition des connaissances basiques, qui les propulseront vers des perspectives lointaines qui feront d’eux les futurs cadres du pays. L’absence de l’effort au travail, le maigre temps consacré à l’apprentissage et à la révision des leçons chez soi après avoir quitté l’école, confère au savoir ainsi acquis un caractère superficiel survolant ou plutôt effleurant la connaissance.

Il reste cependant vrai que certains parents se préoccupent de leur progéniture à laquelle ils consacrent et leur temps (lorsqu’ils sont encore en mesure de leur inculquer certains savoirs) et leur argent à travers des cours privés surtout l’année de la préparation du BEF ou bien du BAC, cours privés dont l’existence montre les carences de l’école publique désormais concurrencée par l’émergence d’écoles privées agrées par l’État.

D’autres éléments pourraient être invoqués pour expliquer globalement cette dégradation de l’enseignement :

  • L’arabisation mise en concurrence avec l’existence même de la langue française dans un esprit de revanche contre la langue du colon et menée au pas de charge explique-t-elle à elle seule la chute du niveau du système éducatif ?
  • La démocratisation de l’enseignement instituant « l’école pour tous » rendant les effectifs des classes pléthoriques n’a-t-elle pas sa part de responsabilité dans la détérioration de l’enseignement en Algérie ?
  • Les différentes réformes mises en œuvre depuis l’indépendance essaient tant bien que mal d’endiguer et de pallier les faiblesses observées dans notre système d’enseignement mal classé au niveau international. Mais suffiront-elles à elles seules dans un climat social empreint de tensions politiques, religieuses et idéologiques, à instaurer un climat de paix et sérénité pour élaguer et défricher un système éducatif décidément traversé de toutes parts par des considérations extrascolaires, autres que scolaires ?

Vers les années 60 et 70, les bacheliers issus de l’université algérienne rejoignaient les universités françaises, Américaines ou russes dans lesquelles, ils étaient admis sans difficulté et accomplissaient leur cycle d’études universitaire (et quelquefois postuniversitaire) avec succès.

L’Algérie pourra-t-elle retrouver son lustre d’antan parmi les grandes nations ?

Et l’université d’Alger pourra-t-elle être de nouveau citée dans les séminaires internationaux pour sa contribution au savoir universel ?

Pour cela, il faudra rehausser non seulement le niveau des élèves en instaurant de nouveau la rigueur dans les examens et même dans les évaluations continues, mais également celui des enseignants par une exigence de niveau supérieur, de l’ordre de l’agrégation pour l’enseignement secondaire et même moyen, d’un niveau du baccalauréat suivi d’un nombre d’années d’études à l’université pour le niveau primaire. Ces études, bien entendu, doivent être adossées à une formation pédagogique spécifique à l’enseignement et non plus seulement à quelques regroupements conjoncturels sous la direction d’inspecteurs dont la mission à la longue est devenue plus coercitive que pédagogique qui s’attache davantage à l’aspect formel de l’enseignement (cahier de textes, avancement du programme, correction des cahiers, nombre de devoirs faits…) qui absorbe le temps et la santé de l’enseignant et la qualité de son travail qui doit s’attacher avant tout à la transmission du savoir certes, mais également à l’élévation de son niveau intellectuel qu’il doit sans cesse parfaire. La titularisation en France est un écueil difficile à franchir et le recrutement en Algérie sur la base d’un concours ne peut remplacer les écoles supérieures destinées à la formation des enseignants.

Voici survolée de manière non exhaustive, une réflexion sur le mal dont souffre l’école algérienne qui ressemble à un malade atteint d’une multitude de maladies que l’on peut résumer en quelques phrases :

  • L’enseignement de masse
  • Les infrastructures surchargées
  • L’encadrement pédagogique inadapté ou sous-qualifié
  • Les équipements insuffisants et obsolètes
  • Une documentation pédagogique et scientifique rarement disponible
  • L’indiscipline caractérisée installée en reine dans les établissements scolaires.

 Djamila Aït Ouazzou

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