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La déchéance de la nationalité française

C’est le serpent de mer de la politique antiterroriste française, invoque après chaque attentat, et jamais mise en œuvre : la déchéance de nationalité est pourtant, en plus d’être souhaitable, possible. Et bien plus loin qu’on l’imagine.

Souvenez-vous : trois jours après la tuerie de masse du Bataclan, le président Hollande annonçait vouloir étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français, sanction déjà prévue, dans des circonstances d’une particulière gravité, par l’article 25 du Code civil pour les binationaux naturalisés français. Les belles âmes s’indignaient : la citoyenneté est indivisible, faire le tri entre les Français sous-entend que certains le sont moins que d’autres, nous ramenant aux heures les plus sombres de notre histoire. Il est exact que le régime de Vichy avait allègrement retire en moins de quatre ans la nationalité française a plus de 15 000 des nôtres ! Or, dans l’état du droit positif il existe déjà, s’agissant des modalités de retrait de la nationalité, non pas deux mais six sous-catégories de Français :

La loi opère donc déjà ces distinctions entre Français, non pour stigmatiser les naturalisés mais au contraire pour les protéger de l’apatridie. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’apatridie a été proscrite des pratiques internationales. Dans un arrêt de 1958, la Cour suprême des États-Unis consacre le droit à la nationalité comme un droit de l’homme, considérant qu’il s’agit « d’une forme de punition encore plus primitive que la torture » dans la mesure où l’intéressé « perd le droit d’avoir des droits », ce qui relève du raccourci puisque, même privé de nationalité, une personne humaine conserve ses droits fondamentaux. La sévérité de la Cour s’explique par le cas d’espèce qui lui était soumis : l’individu menacé d’apatridie était un soldat ayant déserté en 1944. Qu’aurait jugé cette même Cour suprême, confrontée au cas de Youssouf Fofana qui a torturé pendant des semaines un Français parce qu’il était juif, de tortures réelles qui n’étaient pas, elles, des figures de style ?

Retranché de la communauté

Certes, la déclaration universelle des droits de l’homme affirme dans son article 15 que « tout individu a droit à une nationalité ». La convention de New York de 1961 interdit aux États signataires de créer des apatrides. Ces évolutions étaient légitimes à l’époque après les abus évidents commis en la matière par un certain nombre de régimes totalitaires au premier rang desquels l’Allemagne nazie.

Mais la France est confrontée aujourd’hui à des citoyens à ce point en rupture avec elle qu’ils se livrent à des actes de guerre sur son sol.

Exclure

Sauf à nous demander de tendre docilement la jugulaire, il n’y a aucune raison valable de conserver sa nationalité à un terroriste à qui il est venu l’idée d’égorger ses compatriotes. Le retrait de nationalité vient alors prendre acte de ce que l’individu en question s’est lui-même retranché de la communauté des Français. Peu importe alors qu’il soit français de naissance ou d’acquisition, bi- ou mono-national, car en effet on est français, ou on ne l’est pas. Outre le fait que le système actuel est illisible, il n’y a aucune raison d’être plus laxiste avec certains au prétexte qu’ils sont des Français de naissance.

En vertu d’un sophisme répandu, enfin, la déchéance serait une mesure inutile car non dissuasive pour les intéressés.  Il est bien évident qu’aucun tueur ne retiendra son geste par crainte de perdre la nationalité française.  C’est bien pour cela qu’il faut la leur retirer ! Il ne s’agit pas de décourager le terroriste mais de montrer à tous nos compatriotes  (nouveaux,  anciens,  bi-  ou mono-nationaux) que la nationalité française est suffisamment prise au sérieux pour que l’État n’hésite pas à exclure de la manière la plus définitive qui soit ceux qui ont fait le choix de la piétiner.

◆ Julie Graziani

Source : L’incorrect

 

 

 

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