Ce lundi matin (15 avril 2025), comme chaque semaine, j’ai accompli mon obligation de signature hebdomadaire sur le registre de ma mise sous contrôle judiciaire à la caserne de Ben Aknoun. Rien d’inhabituel, jusqu’à ce qu’un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères attire mon attention — un communiqué empreint d’une indignation à la fois bruyante et cynique.
Le ministère s’insurgeait contre l’arrestation, jugée « humiliante, spectaculaire et diffamatoire », d’un employé du consulat d’Algérie à Créteil, par la police française. Cet agent est soupçonné d’implication dans une tentative d’enlèvement visant un blogueur algérien établi en France.
Ce discours officiel aurait pu sembler légitime, s’il n’émanait pas d’un régime qui, depuis des décennies, pratique lui-même des arrestations arbitraires, des traitements inhumains et des violations systématiques des droits fondamentaux à l’encontre de ses propres citoyens.
Depuis le début du Hirak en 2019, les atteintes aux libertés n’ont cessé de s’intensifier : arrestations de militants, harcèlement judiciaire, musellement de la presse libre, et instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Aujourd’hui encore, des centaines de prisonniers d’opinion croupissent derrière les barreaux, pendant que des milliers d’autres vivent sous la menace permanente de poursuites.
Ce régime indigné à l’étranger piétine au quotidien les principes mêmes qu’il invoque. L’humiliation, la véritable, celle qu’endure le peuple algérien, se manifeste à travers :
- Une justice transformée en bras armé du pouvoir ;
- Un pays aux ressources abondantes réduit à la misère ;
- Une jeunesse condamnée à choisir entre l’exil ou la déchéance ;
- Une fuite massive de cerveaux vers l’Europe et l’Amérique du Nord ;
- Le mensonge généralisé dans les statistiques, les élections et la réalité sociale ;
- La diffusion institutionnelle de discours de haine et de division ;
- La défiguration de l’image d’une nation fière de sa révolution et de ses martyrs.
Comment un pouvoir aussi répressif peut-il condamner l’arrestation d’un suspect à Paris, alors qu’il piétine chaque jour la dignité de ses propres citoyens ?
J’en suis moi-même témoin et victime. Déclaré publiquement « terroriste » par un substitut du procureur sans la moindre base légale. Arrêté brutalement devant mes enfants à la veille des élections de 2022, détenu arbitrairement pendant plus de 30 heures, puis relâché sans qu’aucune charge ne soit retenue. Tout cela sans réparation, ni sanction contre les responsables.
D’autres, comme le militant Sami Dernouni, ont subi des traitements inhumains — tortures, violences, et humiliations — en toute impunité. Sans compter les licenciements arbitraires, les interdictions de sortie du territoire, les saisies illégales de téléphones, et le climat général de terreur.
Ce communiqué officiel n’est qu’un écran de fumée. Il illustre parfaitement le proverbe populaire : « Il prêche la vertu tout en pratiquant le vice. »
Je condamne toutes les violations des droits humains, qu’elles soient le fait des autorités françaises ou algériennes. Mais mon engagement demeure inébranlable : défendre mon pays et son peuple, quand le régime, lui, ne cherche qu’à préserver son pouvoir, quel qu’en soit le prix.
Gloire éternelle à nos martyrs.
Karim Tabou