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France-Algérie : prisonniers de l’Histoire, otages de la géographie

Macron Tebboune

Il y a des relations qui ressemblent à un vieux couple incapable de divorcer. Entre la France et l’Algérie, la rupture officielle date de 1962, mais l’ombre de l’autre plane toujours, comme un fantôme qui refuse de disparaître. 

L’Histoire a forgé un lien indélébile, la géographie a imposé une proximité inévitable, et la géopolitique complique encore plus la situation. Prisonniers du passé, otages du présent, les deux pays avancent sans jamais vraiment se libérer l’un de l’autre.

Soixante-trois ans après l’indépendance algérienne, le passé colonial continue d’empoisonner la relation. En France, l’Algérie reste un sujet inflammable, instrumentalisé à chaque élection pour flatter les bas instincts identitaires. En Algérie, la France est un coupable tout trouvé, un exutoire commode pour expliquer les blocages internes, la corruption et les crises économiques.

La guerre d’Algérie (1954-1962) a laissé des cicatrices profondes, des deux côtés de la Méditerranée. Les massacres de Sétif (1945), les tortures de la Bataille d’Alger (1957), les exécutions sommaires et les pieds-noirs déracinés sont autant de fantômes qui ressurgissent à la moindre tension diplomatique. La France peine à assumer son passé colonial, et l’Algérie peine à exister sans lui.

On parle de « réconciliation », de « travail mémoriel », mais à chaque crise, les vieilles blessures sont réouvertes avec enthousiasme. Un mot de trop d’un président français, une commémoration maladroite, et la mécanique de la rancœur se remet en marche. Ce n’est pas une relation, c’est une scène de ménage éternelle.

La Méditerranée est un détroit bien étroit quand il s’agit de relations internationales. L’Algérie est trop proche pour que la France l’ignore, trop loin pour qu’elle l’intègre pleinement dans sa sphère d’influence. Des millions de Franco-Algériens assurent un pont humain indestructible entre les deux rives, qu’on le veuille ou non.

Côté économique, la France reste un acteur de poids, mais elle est concurrencée par la Chine, la Turquie et la Russie, qui avancent leurs pions sans état d’âme. Côté énergétique, Paris fait mine de diversifier ses approvisionnements, mais quand le gaz algérien devient stratégique, on ravale les tensions diplomatiques. Côté migration, l’Algérie est autant un pays d’exil qu’un levier de pression politique.

Impossible de couper le cordon : la géographie force à coexister.

Pendant que Paris et Alger se livrent à leur ballet d’amour-haine, d’autres avancent leurs pions. La Chine investit massivement en infrastructures, la Turquie conquiert les esprits par la culture et le commerce, la Russie renforce ses liens militaires. L’Algérie, qui revendique haut et fort son indépendance, est de plus en plus courtisée par ces nouveaux acteurs.

Et la France ? Elle regarde, elle râle, elle s’accroche à ce qu’il lui reste, mais elle recule. L’Afrique était son pré carré, elle devient son casse-tête. Au Sahel, ses bases ferment une à une, et l’Algérie, en bonne stratège, joue la carte du non-alignement, profitant de la déconfiture française pour renforcer sa posture régionale.

France et Algérie sont condamnées à se supporter. Trop d’intérêts, trop d’histoires, trop d’humains les lient. Mais tant que les deux camps resteront prisonniers du passé et incapables d’assumer une relation apaisée, le cercle vicieux continuera.

Au final, la relation franco-algérienne n’est qu’un éternel jeu de dupes, où chacun fait semblant d’avancer tout en regardant en arrière. Tous deux se tiennent par la barbichette, personne ne veut retirer le masque pour dévoiler à la face du monde leurs visages hideux qu’ils cachent à leurs populations respectives.

Comme le disait si bien Friedrich Nietzsche : « Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps dans l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi. »

Et si, à force de se déchirer, Paris et Alger étaient devenus les reflets monstrueux l’un de l’autre ?

Dr A. Boumezrag

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