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Couscous diplomatique : Algérie, un chef étoilé malgré elle ?

Sahara occidental

Dans la grande cuisine de la géopolitique méditerranéenne, l’Algérie se retrouve aux fourneaux, bon gré malgré. Non pas par passion gastronomique, mais parce que, lorsque le gaz chauffe et que les tensions mijotent, tout le monde veut goûter au plat du voisin. D’autant plus quand ce voisin dispose d’ingrédients stratégiques qui attirent les plus grands chefs internationaux.

Entrée froide : Maroc, Sahara Occidental et querelle de recettes… Depuis des décennies, l’Algérie et le Maroc se disputent la paternité d’un ingrédient hautement inflammable : le Sahara Occidental. Rabat le considère comme un ingrédient incontournable de son couscous national, tandis qu’Alger refuse de le laisser mijoter en paix. Chaque sommet international se transforme en un dîner de famille où les assiettes volent plus que les poignées de main.

Les récents développements montrent que cette querelle reste bien vive. En octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a annulé les accords commerciaux entre le Maroc et l’UE impliquant le Sahara Occidental, confortant la position de l’Algérie et du Front Polisario. Dans le même temps, Rabat renforce ses alliances stratégiques avec Washington et Tel-Aviv, ce qui alimente la méfiance d’Alger.

L’Algérie, quant à elle, mise sur l’Union africaine et ses relations avec la Russie pour peser dans la balance. Cependant, la suspension par le Ghana de sa reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en janvier 2025 montre que la diplomatie marocaine gagne du terrain en Afrique.

Plat de résistance : France, colonisation et indigestion historiqueL’Algérie et la France, c’est une recette qui a trop marqué les palais pour être oubliée. Colonisation, guerre, mémoire, excuses à moitié servies…

Le menu franco-algérien est indémodable, mais souvent indigeste. Paris tente parfois de sucrer la sauce en parlant de « reconnaissance », mais Alger, elle, n’oublie rien. En cuisine, la France cherche encore à imposer son service, notamment au Sahel, où l’Algérie, lassée des plats préparés par l’ancien colonisateur, réaffirme son droit de cuisinière régionale.

Les tensions récentes le confirment. En novembre 2024, l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à l’aéroport d’Alger a provoqué un tollé diplomatique. En décembre, l’ambassadeur de France a été convoqué après des accusations algériennes de tentatives de déstabilisation.

Dans ce contexte, la France doit revoir ses stratégies si elle veut éviter de se voir définitivement écartée des prérogatives économiques et stratégiques en Algérie, notamment sur le terrain du gaz et de la coopération en Afrique.

Accompagnement relevé : merguez israéliennes et feu palestinien. Pendant que certains normalisent, d’autres carbonisent.

Si le Maroc a troqué sa neutralité pour un deal diplomatique bien huilé avec Israël, l’Algérie refuse catégoriquement d’ajouter la moindre merguez israélienne à son plat national. La cause palestinienne reste le piment qui enflamme toutes les discussions et transforme tout rapprochement avec Tel-Aviv en plat radioactif.

Alger campe sur ses positions et continue de militer pour la création d’un État palestinien. En octobre 2024, elle a accueilli une conférence internationale de soutien à la Palestine, affirmant ainsi son opposition à la normalisation croissante des relations israélo-arabes.

Cuisson lente : le gaz algérien, épicentre des convoitises. Si l’Algérie occupe une place de choix sur la carte des grands restaurants diplomatiques, c’est avant tout grâce à son or bleu : le gaz. En période de crise énergétique, les chefs européens défilent dans sa cuisine, espérant négocier une part plus généreuse du festin.

L’Italie, la France et l’Espagne redoublent d’efforts pour s’assurer un approvisionnement stable. Cependant, la Russie et la Chine, en fins stratèges, surveillent les fourneaux avec gourmandise. En 2024, la Chine a signé un accord de 36 milliards de dollars pour le développement d’infrastructures gazières en Algérie, signe d’une diversification des partenaires.

Par ailleurs, l’Algérie utilise son gaz comme un levier diplomatique. Elle a augmenté les tarifs pour l’Espagne après que Madrid a soutenu le plan marocain d’autonomie pour le Sahara Occidental, tout en réservant un traitement de faveur à l’Italie, devenue son principal client.

Dessert amer : Algérie, l’art de cuisiner seule. Mais au final, l’Algérie cuisine-t-elle pour elle-même ou pour les autres ? Entre alliances éphémères, tensions régionales et repositionnements stratégiques, elle tente de préserver son

autonomie sans se laisser dévorer par des appétits extérieurs.

Sa volonté de jouer un rôle régional indépendant est manifeste, mais son isolement diplomatique face à des alliances solides (Maroc-Israël, France-Maroc, Chine-Russie) pourrait la priver de marges de manœuvre. D’ici là, une chose est sûre : dans cette gastronomie géopolitique, mieux vaut tenir la louche que finir dans l’assiette.

Bon appétit !

Dr A. Boumezrag

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