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Algérie 2025 : du discours révolutionnaire au business diplomatique

Drapeau algérien

Il fut un temps où la diplomatie algérienne se déployait avec panache sur la scène internationale, brandissant le non-alignement comme un étendard sacro-saint et distribuant des leçons de souveraineté aux grandes puissances. L’Algérie des maquisards, celle qui fascinait les mouvements de libération du monde entier, s’affichait comme la conscience morale du Sud global.

En 1973, lors du sommet des non-alignés à Alger, Houari Boumediene tonnait contre l’hégémonie occidentale et plaidait pour un « Nouvel Ordre économique International » qui donnerait enfin aux pays du Sud leur place légitime. Mais en 2025, cette Algérie-là semble avoir troqué ses discours flamboyants contre un carnet de commandes bien rempli.

L’art subtil du grand écart

Le monde est devenu un marché chaotique où se bradent influences, hydrocarbures et alliances à géométrie variable. L’Algérie, jamais vraiment alignée mais toujours bien placée, a appris à danser sur le fil de la multipolarité.

Elle continue de clamer haut et fort son refus d’appartenir à un bloc tout en renforçant ses liens avec chacun d’eux, au gré des opportunités. Ainsi, l’Europe en déclin reste un acheteur précieux de gaz, bien que l’Algérie la soupçonne de n’avoir jamais vraiment enterré ses vieux réflexes paternalistes. 

Depuis la crise énergétique de 2022 provoquée par l’invasion russe en Ukraine, Alger a renforcé sa position de fournisseur stratégique, devenant l’alternative naturelle au gaz russe pour l’Italie, l’Espagne et la France. Pendant ce temps, Moscou lui vend des Sukhoï tout en lorgnant sur le Sahel, et Pékin, infatigable bâtisseur d’autoroutes et de logements, s’impose comme le banquier discret de son développement. 

Depuis 2014, la Chine a remplacé la France comme premier fournisseur commercial de l’Algérie, et le chantier pharaonique du port de Cherchell, financé par les capitaux chinois, illustre cette dépendance croissante.

De la dénonciation à la négociation Autrefois, Alger pointait du doigt l’ingérence occidentale et militait pour l’autodétermination des peuples. Aujourd’hui, elle maîtrise l’art du dialogue discret et des arrangements pragmatiques. Moins de discours moralisateurs, plus de deals stratégiques.

L’Algérie lorgne sur une adhésion aux BRICS, joue les entremetteuses au Sahel, et, entre deux communiqués de soutien à la Palestine, renégocie les contrats pétroliers avec des majors asiatiques.

Le sommet de Johannesburg en 2023 a consacré l’attractivité des BRICS pour les Etats en quête d’alternatives à l’ordre financier dominé par le dollar, et Alger ne cache pas son intérêt pour ce club qui pourrait lui offrir un levier supplémentaire face aux institutions occidentales. La souveraineté reste un dogme, mais elle se monnaye habilement.

La fin du romantisme diplomatique ?

Certains y verront un renoncement, d’autres une mûre adaptation. Car, en vérité, qu’est-ce que la diplomatie sinon l’art de transformer les convictions en avantages stratégiques ? L’Algérie a compris que dans un monde où les valeurs s’échangent sur les marchés internationaux, il vaut mieux être négociateur que moraliste impuissant.

Alors, exit la rhétorique enflammée des années Boumediene. Place au pragmatisme huilé d’un pays qui sait que les grands discours ne remplissent pas les caisses, mais que les contrats bien ficelés, eux, assurent l’avenir. Comme disait Churchill, « Les grandes nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts ». Une leçon que l’Algérie, avec 60 ans de diplomatie au compteur, semble avoir intégrée à la perfection.

Quand l’idéalisme cède le pas au pragmatisme

En 2025, l’Algérie a troqué son costume de militant pour celui de marchand avisé. Ce n’est plus l’Algérie conférencier du tiers-monde, mais celle du marchandage diplomatique. Le romantisme révolutionnaire appartient aux livres d’histoire, remplacé par une réelle stratégie d’opportunisme calculé.

Le pays n’a pas cessé de parler de souveraineté, il en a juste redéfini le prix et les modalités. « La diplomatie, c’est l’art de dire ‘chien enragé’ sans se faire mordre » disait Churchill. L’Algérie, elle, a appris à flatter la bête tout en négociant le prix de la laisse.

Dr A. Boumezrag

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